Génèse du projet
Juillet 2018. Ma première fois au festival d’Avignon. Ce week-
end, j’assiste au « seul en scène » du comédien et auteur Jean
Jérôme Esposito, intitulé : « Récit de mon quartier ». Dans
cette pièce, l’acteur délivre une performance d’une sincérité
rare. Grâce à des anecdotes sur sa vie et sa famille, Jean Jérôme
dessine les contours, les interactions des mondes qui l’ont
sculpté : familial, professionnel, amical...
Ce spectacle m’a beaucoup émue.
Encore bouleversée, je l’aborde après sa performance : « Je vous
déteste. J’aurais tellement aimé écrire cette pièce ».
Il me lance : « Et bien écris ! ». Le déclic dont j’avais besoin ?
Enfant, je m’inventais des histoires. Je laissais divaguer mon
esprit sur le va-et-vient incessant des voitures qui roulaient
sur le périphérique. La nuit, ce défilé d’auto aux phares rouges
et jaunes, se transformait (rien que pour moi) en une guir-
lande lumineuse géante. Je m’imaginais dans une des voitures,
en route vers l’inconnu...
Quel chemin emprunte-t-on afin de prendre sa place dans
un monde qui nous nie ? Notre identité est-elle la somme de
nos expériences vécues ? Ou découle-t-elle du regard qu’au-
trui pose sur notre personne ? Ma pièce s’attache à dépeindre
nos failles, nos élans de vie, nos compromissions.
Juillet 2018. Ma première fois au festival d’Avignon. Ce week-
end, j’assiste au « seul en scène » du comédien et auteur Jean
Jérôme Esposito, intitulé : « Récit de mon quartier ». Dans
cette pièce, l’acteur délivre une performance d’une sincérité
rare. Grâce à des anecdotes sur sa vie et sa famille, Jean Jérôme
dessine les contours, les interactions des mondes qui l’ont
sculpté : familial, professionnel, amical...
Ce spectacle m’a beaucoup émue.
Encore bouleversée, je l’aborde après sa performance : « Je vous
déteste. J’aurais tellement aimé écrire cette pièce ».
Il me lance : « Et bien écris ! ». Le déclic dont j’avais besoin ?
Enfant, je m’inventais des histoires. Je laissais divaguer mon
esprit sur le va-et-vient incessant des voitures qui roulaient
sur le périphérique. La nuit, ce défilé d’auto aux phares rouges
et jaunes, se transformait (rien que pour moi) en une guir-
lande lumineuse géante. Je m’imaginais dans une des voitures,
en route vers l’inconnu...
Quel chemin emprunte-t-on afin de prendre sa place dans
un monde qui nous nie ? Notre identité est-elle la somme de
nos expériences vécues ? Ou découle-t-elle du regard qu’au-
trui pose sur notre personne ? Ma pièce s’attache à dépeindre
nos failles, nos élans de vie, nos compromissions.
Ébullition :
Phénomène accompagnant le passage d’un corps de l’état liquide à l’état gazeux. Dans le liquide chauffé, des bulles de vapeur viennent crever à la surface. Au sens figuré, cet état caractérise une vive agitation, une effervescence d’idées, de sentiments. Ferima N’diaye expérimente cet état d’ébullition. Elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte et simultanément, la mort de son père dans son pays d’origine. Elle souhaiterait enterrer son père en France, son pays de naissance. Pourtant, cette idée n’est pas une option. Avant de rejoindre la Côte d’Ivoire, pour assister à la mise en terre du corps, Ferima N’diaye s’interroge : « sachant que le corps est constitué à 60% d’eau, nos silences sont-ils solubles dans ce liquide composant la majeure partie de notre enveloppe ? ». Ferima N’diaye, enceinte et en deuil, vit un schisme, un cataclysme, un chaos intérieur. Un moment inédit où la mort côtoie la vie. Ce tremblement de corps, tel un tremblement de terre, ouvre une faille intérieure d’où jaillit son essence. Elle accède à une nouvelle compréhension du soi. Elle s’imbibe de moments de vies passées et les compare aux différentes phases de transition
de l’eau. Jeune, dans une salle de classe, elle se décrit comme flottante, pareille à de la vapeur d’eau. Comme liquéfiée à l’annonce de la mort de son père... Ferima s’arrache des identités forcées, assignées par l’extérieur : noire, femme en France. Elle exprime aussi la complexité de s’accorder avec ses parents en Côte d’Ivoire qui la voient comme blanche et femme... Son regard intérieur, acéré et hyper conscient, solidarise les différentes réalités qui la constituent : « la fille, la jeune femme la noire et la mère à venir ». A travers l’évocation de moments de silence maintenant estampillés à l’aune de la transition de l’eau : « état gazeux, état liquide et solide. » Ferima N’diaye embarque dans son voyage intérieur... Passé, pré-sent et futur s’entremêlent. Se dessine alors, sous les yeux des spectateurs, une longue transe intérieure, un moment de recueillement en ébullition. Elle s’appuie sur des moments de cinéma pour asseoir son ressenti et colorer ses senti-ments... Grâce à la force du théâtre, nous découvrirons le regard apposé par l’extérieur sur sa personne (un rôle pour deux actrices). Cette pièce s’inscrit comme un acte de résistance de Ferima N’diaye : femme, noire, et française d’origine africaine, écarte les préjugés accolés à sa personne par le passé. Elle prend la parole, adopte son système de valeur lié au cycle de l’eau, pour se laver d’une identité faussée. Elle se met à nue afin de rompre le silence et offrir à son enfant à venir, les mots qui lui ont manquée...
« La connaissance de la vie n’arrive que par écho à des moments inattendus. »
Deborah Levy
Phénomène accompagnant le passage d’un corps de l’état liquide à l’état gazeux. Dans le liquide chauffé, des bulles de vapeur viennent crever à la surface. Au sens figuré, cet état caractérise une vive agitation, une effervescence d’idées, de sentiments. Ferima N’diaye expérimente cet état d’ébullition. Elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte et simultanément, la mort de son père dans son pays d’origine. Elle souhaiterait enterrer son père en France, son pays de naissance. Pourtant, cette idée n’est pas une option. Avant de rejoindre la Côte d’Ivoire, pour assister à la mise en terre du corps, Ferima N’diaye s’interroge : « sachant que le corps est constitué à 60% d’eau, nos silences sont-ils solubles dans ce liquide composant la majeure partie de notre enveloppe ? ». Ferima N’diaye, enceinte et en deuil, vit un schisme, un cataclysme, un chaos intérieur. Un moment inédit où la mort côtoie la vie. Ce tremblement de corps, tel un tremblement de terre, ouvre une faille intérieure d’où jaillit son essence. Elle accède à une nouvelle compréhension du soi. Elle s’imbibe de moments de vies passées et les compare aux différentes phases de transition
de l’eau. Jeune, dans une salle de classe, elle se décrit comme flottante, pareille à de la vapeur d’eau. Comme liquéfiée à l’annonce de la mort de son père... Ferima s’arrache des identités forcées, assignées par l’extérieur : noire, femme en France. Elle exprime aussi la complexité de s’accorder avec ses parents en Côte d’Ivoire qui la voient comme blanche et femme... Son regard intérieur, acéré et hyper conscient, solidarise les différentes réalités qui la constituent : « la fille, la jeune femme la noire et la mère à venir ». A travers l’évocation de moments de silence maintenant estampillés à l’aune de la transition de l’eau : « état gazeux, état liquide et solide. » Ferima N’diaye embarque dans son voyage intérieur... Passé, pré-sent et futur s’entremêlent. Se dessine alors, sous les yeux des spectateurs, une longue transe intérieure, un moment de recueillement en ébullition. Elle s’appuie sur des moments de cinéma pour asseoir son ressenti et colorer ses senti-ments... Grâce à la force du théâtre, nous découvrirons le regard apposé par l’extérieur sur sa personne (un rôle pour deux actrices). Cette pièce s’inscrit comme un acte de résistance de Ferima N’diaye : femme, noire, et française d’origine africaine, écarte les préjugés accolés à sa personne par le passé. Elle prend la parole, adopte son système de valeur lié au cycle de l’eau, pour se laver d’une identité faussée. Elle se met à nue afin de rompre le silence et offrir à son enfant à venir, les mots qui lui ont manquée...
« La connaissance de la vie n’arrive que par écho à des moments inattendus. »
Deborah Levy
RÉSIDENCE
du 28 novembre au 2 décembre
Nous avons accueilli l'auteure Bintou Diarra au sein de la Cité des Arts de la Rue pour 5 jours de résidence au plateau.
Deux comédiennes, Judy Al Arashi et Citlali Le Clerre-Ponce ont prêté leur voix à Ferima.
Deux comédiennes, Judy Al Arashi et Citlali Le Clerre-Ponce ont prêté leur voix à Ferima.